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SMLH79. Conférence. Le témoignage d'un expert-militaire devant la CPI : Le capitaine Jacques Seara a captivé son auditoire !

Publié le 11 juin 2024

C’est à Chauray, le vendredi 5 avril dernier, qu’avaient été conviés les membres des ordres nationaux et des Palmes Académiques ainsi que de nombreuses personnalités du département pour la conférence d’un

 

expert-militaire devant la Cour pénale Internationale (CPI), en la personne du Général Jacques Seara, membre de la SMLH 79 et de ANMONM79 qui présentait le témoignage de son vécu à la CPI devant un public très attentif.

 

Le Général (2S) Jacques SEARA fut intarissable sur le sujet. Sa qualité d’expert militaire devant la Cour pénale Internationale (CPI), fut une mission de la plus haute importance confiée au seul officier français qu’il est.

 

Le parcours de Jacques Seara a bien sur influencé sa candidature : Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr en 1964, puis suit les cours de l’Ecole d’Application de l’Infanterie à Saint-Maixent-l’Ecole de 1966 à 1967.

 

Sa carrière est harmonieusement répartie entre :

- Des temps de commandement à la tête d’unités d’infanterie, notamment comme chef de corps du 19è Bataillon de chasseurs mécanisé.

 

- Des postes de responsabilité dans les états-majors des forces et de l’administration centrale, des postes d’expert dans le domaine des relations internationales de l’Etat-Major de l’Armée de Terre, puis comme conseiller militaire de l’Ambassadeur de France près l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne en Autriche.

 

-Des postes diplomatiques comme Directeur Régional de l’OSCE en Bosnie Herzégovine. Actuellement, il est expert militaire agréé devant la Cour pénale internationale de la Haye et inscrit aux registres d’expert de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et de l’ONU (organisation des Nations Unies).

 

Jacques SEARA avait confié, à la présidente de la SMLH être blindé par les
expériences, confronté à des périodes de travail intense et compliqué en raison des délais d’exécution très courts qui lui étaient imposés. Son épouse lui a été d’un soutien précieux et sans faille. C’est un témoignage passionnant et hors du commun qui a été offert aux participants, agrémenté de la projection de son interventions sur YouTube le 15 août 2012 à La Haye. Les participants n’ont pas hésité à poser de nombreuses questions.

 

Quelques extraits de la conférence

De retour en France en 2006, après deux années passées en Bosnie Herzégovine comme directeur régional de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) à Tuzla, le manque d’activité ne s’est pas fait attendre. Je décidais donc de présenter une demande d’agrément comme expert militaire à la CPI. Après de nombreuses démarches administratives dont les organisations internationales ont le secret, mon nom fut enfin couché sur les listes officielles en avril 2008.

Le temps passait et je commençais à désespérer quand en mai 2012, je fus enfin contacté par la défense pour conduire une expertise dans le cadre du procès de monsieur Jean-Pierre Bemba en cours à La Haye pour « crimes deguerre et contre l’humanité, viols, vols et pillage ».

 

Il s’agissait de donner un avis à la Cour sur des évènements qui se sont déroulés en République Centrafricaine entre octobre 2002 et mars 2003 à l’occasion d’un coup d’état dirigé par le général Bozizé contre le Président Patassé. Ce dernier en situation de rapport de force défavorable avait demandé à Monsieur Jean-Pierre Bemba de lui envoyer des renforts issus de la milice du Mouvement de Libération du Congo (MLC) qu’il dirigeait en RDC. Lors des combats des exactions avaient été commises par les deux camps mais seules celles commises par la milice du MLC avaient été retenues et un mandat d’arrêt international fut lancé contre M. Bemba.

 

Début juillet, après l’exploitation d’un dossier de 4000 pages, je me suis rendu à Kinshasa (RDC) pour y auditionner des témoins, puis j’ai traversé le fleuve Congo pour me rendre à Brazzaville non sans difficultés d’abord parce que le bateau était surchargé et nous ne disposions que d’un gilet de sauvetage pour quatre et ensuite parce que les autorités locales ont tenté de me retenir car elles s’interrogeaient sur le but de la venue d’un représentant de la CPI sur le sol congolais. Après quatre heures de palabres je finis enfin par rejoindre mon hôtel où je devais rencontrer d’autres témoins.

Mon dossier était remis le 14 juillet comme l’exigeait la Cour. Je fus ensuite convoqué à La Haye par le tribunal au cours de la deuxième quinzaine d’août pour justifier mes conclusions.

Chaque matin un véhicule blindé me prenait à l’hôtel pour me conduire à la CPI en suivant un itinéraire différent. Pris en charge dès mon arrivée j’étais accompagné puis enfermé par un « ange gardien » dans un petit salon aux vitres occultées d’où je ne pouvais sortir que si j’étais accompagné en actionnant une sonnette. J’avais l’impression d’être en garde à vue mais on me garantissait que c’était pour ma sécurité !

 

J’ai ainsi subi 35 heures d’audiences épuisantes à répondre aux questions des juges (trois femmes), de la défense, du procureur et des représentants des victimes. La question essentielle était de savoir si l’accusé depuis la République Démocratique du Congo était en capacité de commander le détachement qu’il avait mis à disposition de la République Centrafricaine. Ma réponse était : NON. J’ai donc dû faire un gros effort de pédagogie pour expliquer comment s’étaient déroulées les opérations devant une cour qui ignorait tout de la chose militaire.

 

En permanence sur mes gardes il s’agissait pour moi de ne pas dire (sous serment exigé sur la Bible) le contraire de ce qui était dans mon rapport, j’étais seul contre tous. La vigilance était d’autant plus nécessaire que français et anglais étaient simultanément utilisés et que parfois l’interprétariat était défaillant.

 

La CPI, comme toutes les instances internationales, est une énorme machine qui laisse peu de place à l’humanité dans son fonctionnement et dans le traitement des hommes et des femmes qui sont appelés à y comparaitre comme expert ou comme témoin. Sans expérience, si on ne parle ni français, ni anglais, on peut y être broyé et dire le contraire de ce que l’on voudrait.

Par ailleurs je n’ai pas manqué d’être la cible de violentes attaques diffamatoires, voire de menaces, de la part d’une certaine presse centrafricaine. Premier et seul officier français à vivre cette aventure, je n’ai pas manqué d’éveiller l’intérêt de la Direction des affaires juridiques de l’Etat-Major des Armées, mais après coup, pour le retour d’expérience.

 

Séquence riche et intense pour moi, j’espère avoir fait œuvre utile pour éclairer la Cour afin que justice soit rendue. Monsieur Jean-Pierre Bemba a été innocenté en deuxième instance après avoir passé sept années en prison préventive à La Haye”.